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D'ailleurs avant, à ici maintenant

La lecture des exemples qui suivent laisse entrevoir la diversité des personnes qui fréquentent nos cours : diversité des projets ("je suis en France en attendant de pouvoir rejoindre ma famille en Angleterre"), des expériences, des ressources matérielles (« je vis dans un grand appartement avec un espace pour me concentrer »), pragmatiques (je parle déjà trois langues, je sais apprendre les langues étrangères) ou symboliques (je suis un grand sportif et j'ai une force et une rigueur qui m'aident à apprendre).

Monsieur B. et sa famille. Coline accueille aujourd’hui à Roissy monsieur B. et sa famille, qui ont eu la chance (?) d’être choisis dans le camp libanais où ils s’étaient réfugiés, fuyant la Syrie.
La fille cadette de M. B. est atteinte d’une maladie rare, c’est ce qui a pesé dans le choix de l’Etat français de les accueillir au titre de réfugiés. Chassée par la guerre, cette famille se voit proposer un exil en France, pays qui lui est tout à fait étranger.
Informés le lundi de leur départ imminent, ils arrivent à Paris, où ils sont accueillis par Coline, cheffe de service du centre d’accueil de province qui sera désormais leur lieu de vie.
Peuvent-ils être soulagés ? Mis à l’abri, certes, ils n’en sont pas moins déracinés, et pour le moins désorientés. Ils ont tout laissé derrière eux, famille, amis, travail, biens, projets. Quel temps ont-ils eu pour se figurer dans ce nouvel environnement dont ils ne connaissent rien, ni le paysage, ni la langue, ni les codes? On imagine bien que l'injonction à l'apprentissage de la langue, dans cette situation, aura à affronter des obstacles de différents ordres.

Gabriel a 25 ans et il a quitté l'Espagne pour parcourir l'Europe. Sa nationalité lui permet de se déplacer dans l'espace Schengen, de s'installer dans un pays puis un autre, d'y travailler, d'y étudier. De passage en France, il décide d'y rester quelques temps et s'installe à Nantes. Il s'inscrit dans une association proposant des cours de français et travaille dans des emplois de manutention. Très peu de temps après son arrivée, il s’engage en tant que volontaire civique auprès de populations défavorisées, crée une association de musique reconnue dans toute la France et monte sa propre entreprise dans laquelle il travaille toujours aujourd’hui.

Cette diversité se reflète aussi dans différents rapports à la temporalité des apprentissages ("je veux apprendre vite pour intégrer l'université" / "j'ai besoin de temps pour comprendre ce qui m'arrive").
 Les nouvelles de la jungle -Lisa Mandel et Yasmine Bouagga
© Editions Casterman S.A./ Lisa Mandel et Yasmine Bouagga